Le brown-out : nouvelle maladie professionnelle ou délire de psy ?

brown-outBurn-out, bore-out, brown-out… Ces dernières années, la liste des maladies professionnelles n’a cessé de s’allonger.

Après le burn-out qui désignait un épuisement professionnel et le bore-out qui mettait en lumière l’ennui profond que certains travailleurs pouvaient ressentir à leur poste, et qui les poussait parfois à la dépression, on entend de plus en plus parler d’un nouveau mal qui frapperait l’entreprise : le brown-out.

Emprunté au domaine de l’électricité, ce terme désigne une perte d’intérêt, une baisse d’engagement devant un travail qui n’a pas beaucoup de sens et qui finalement, tout comme le bore-out, conduit le travailleur à la dépression.

Alors le brown-out est-il le nouveau mal du siècle ou est-il le fruit de notre manie à vouloir tout théoriser, tout nommer, et à créer de nouvelles maladies là où il n’y a rien de pathologique ?

Le brown-out, une baisse de tension au travail

Théorisée par deux chercheurs, le Britannique Andre Spicer et le suédois Mat Alvesson, tous deux auteurs de l’ouvrage « The stupidity paradox », le brown-out serait lié à la répétition de tâches incompréhensibles et sans aucun sens.

Il se manifesterait comme une sorte de « démission mentale » de la part du travailleur, qui continuerait à exercer son travail, mais sans y accorder une once d’investissement personnel ou de motivation.

Cette perte de motivation généralisée au bureau ou à l’usine est liée à deux phénomènes distincts : une profonde mutation du monde du travail rendant ce dernier moins intéressant pour beaucoup, mais aussi un rapport nouveau à l’emploi et à la place du travail dans notre vie.

Les bullshit jobs, un terrain propice au brown-out

Les temps ont changé. Nous sommes passés d’une ère industrielle, bâtisseuse, créatrice, gourmande en bras et en cerveaux, à une ère de transformation radicale du monde du travail, d’accélération de la robotisation.

Dans ce nouveau Monde, l’emploi est devenu plus important que le travail.

Le problème n’est plus de savoir quel monde nous voulons construire, mais quelles activités seront les plus créatrices d’emploi.

Comment occuper toutes ces personnes devenues inutiles dans une société dans laquelle on ne se réalise que par le travail ? Avoir un contrat, ne pas être une « charge » pour les autres est devenu plus important que le fait d’avoir un rôle réel, d’apporter une valeur à son pays et à ses habitants.

La course à l’emploi et la complexification de nos économies a créé des métiers vides de sens, des « bullshit jobs » qui ne parviennent plus à nous motiver tant nous ne voyons pas concrètement l’aboutissement de notre travail quotidien.

L’anthropologue Graeber, père du concept de « bullshit jobs » cite dans une tribune pour le magazine anglais Strike! certains de ces « boulots à la con », qui selon lui ne fournissent qu’un « apport superficiel pour la société ».

Il cite notamment les lobbyistes, les chercheurs en relation presse, les télémarketeurs, les huissiers de justice ou encore les consultants légaux.

Si la notion d’utilité attribuée à tel ou tel emploi est totalement subjective, on trouve néanmoins dans cette tendance un terrain propice au brown-out.

La bureaucratie conduit au Brown-out

Le brown-out intervient aussi généralement dans les empilements d’intermédiaires, dans une organisation trop verticale du travail.

Cette répartition excessive du travail nous empêche de voir où nous allons.

Pour être motivant, un travail doit-être ponctué de défis, de défaites et de victoires, mais surtout d’un sens.

On doit savoir pourquoi on travaille et voir de manière directe la réussite ou l’échec consécutifs à nos efforts.

Sans cela, il est très difficile de trouver une motivation sur le long terme.

Qu’on le nomme « brown-out », « perte de sens » ou « bullshit jobs », ce phénomène n’est pas seulement inquiétant pour l’épanouissement personnel des travailleurs qui en sont victimes.

Le fait que de nombreuses personnes se désinvestissent et se désintéressent de leur travail met également en péril la bonne santé des entreprises.

Pour beaucoup de travailleurs, en cette période de chômage généralisé, la motivation trouvée au travail n’est qu’économique, basée sur la peur de ne rien trouver d’autre et parfois même accompagnée d’une culpabilité de ne pas trouver son travail intéressant alors que d’autres donneraient tout pour avoir un emploi.

Le brown-out est le fruit de notre quête de sens

Mais l’émergence du brown-out n’est pas seulement liée aux mutations du monde du travail.

Il est aussi le fruit d’une profonde quête de sens chez les plus jeunes.

Les jeunes des générations Y et Z ont toujours évolué dans un monde en mutation très rapide.

Ils ne croient plus à la stabilité d’un emploi qu’ils occuperaient toute leur vie, leur permettant d’investir, de faire des projets sur le long terme, de chercher une certaine stabilité financière ou géographique.

Le travail a peu à peu changé de fonction.

Il doit être enrichissant, passionnant, gratifiant.

De plus en plus, nous faisons attention au sens que nous donnons à nos vies, notamment dans notre vie professionnelle.

C’est parfois presque devenu une obsession.

C’est certainement l’incompatibilité entre cette quête de sens et la réalité du marché du travail (une lutte sans merci pour occuper n’importe quel boulot alimentaire) qui favorise cette épidémie de brown-out et de dépressions professionnelles.

Comment éviter le brown-out ?

Si le brown-out est le fruit de nouvelles aspirations et de l’évolution du monde du travail, nous pouvons l’éviter en changeant nos habitudes et notre rapport au travail.

Des solutions politiques pourraient mener à réfléchir à un nouveau rapport au travail, plus enrichissant, plus pragmatique.

Le débat sur l’instauration d’un revenu universel en fait par exemple partie.

Mais le temps politique étant plus long que notre aspiration au changement, c’est plutôt dans notre perception de notre propre vie et de notre carrière professionnelle que se niche la solution.

Pour un travail plus gratifiant, postulez en priorité dans de petites structures.

Les grosses entreprises ou administrations sont des nids à bullshit jobs et sont les principales créatrices de brown-out.

Travailler dans une plus petite structure vous permet de prendre plus de responsabilités, d’être plus polyvalent et d’éviter les empilements hiérarchiques.

Vous êtes alors plus proches de vos clients ou des destinataires finaux de votre travail, mais aussi de la direction et des autres services, de ceux qui décident des tenants et aboutissants de vos tâches quotidiennes.

Beaucoup de personnes tentent même un retour à la terre ou se lancent dans l’entrepreneuriat pour assouvir leurs aspirations.

Travailler à son compte est très gratifiant, bien plus que de suivre les consignes de son employeur.

Ne cherchez pas non plus à voir à trop long terme.

Nous n’en sommes plus capables.

Le monde du travail actuel ne nous le permet plus.

Cherchez un travail qui a du sens pour vous, quitte à sacrifier un certain confort, un certain pouvoir d’achat, quitte à travailler à temps partiel.

N’ayez pas peur de changer de travail lorsque vous sentez le brown-out se pointer.

Nous n’avons qu’une vie et pas le temps de nous ennuyer !


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