Avec la polémique sur le burkini, le port du voile ou le « mariage pour tous », la question des mœurs est revenue sur le devant de la scène médiatique et politique.
Les mœurs, bonnes ou mauvaises, sont une construction humaine, souvent culturelle, qui est sans cesse en mutation.
Elles ont souvent trait à la question de la pudeur, du rapport d’une société à la sexualité et à l’image qu’elle a du corps, mais pas uniquement.
Les mœurs concernent plus largement ce qu’il est communément admis comme étant convenable ou non de faire, de manger, de porter, de dire…
Autant dire que l’enjeu de la définition même du concept de mœurs est grand, et que l’idée est souvent récupérée à des fins politiques ou dogmatiques.
Les mœurs sont-elles le fondement de l’identité ?
Ou qui de l’œuf et de la poule est apparu en premier ?
Les mœurs sont des règles implicites que les membres d’une société se donnent pour mieux vivre ensemble.
Elles façonnent donc une partie de nous.
Si nous ne nous promenons pas nus toute la journée, c’est parce que nous avons intégré très profondément l’interdit de la nudité.
Si nous portons des vêtements même en été, ce n’est pas pour nous conformer à la loi qui impose de cacher son corps, mais bien parce que nous avons été conditionnés comme cela.
Les mœurs ne cessent d’évoluer, tout comme les identités, car elles sont façonnées par l’homme et doivent s’adapter à de nouveaux contextes générationnels et culturels.
Elles sont en quelque sorte une photographie d’une société à un instant T.
Les mœurs : une notion dépassée ?
En fait, la notion de mœurs est devenue purement subjective.
Dans nos sociétés modernes, multiculturelles, libertaires et individualistes, chacun a des mœurs différentes de son voisin, sans que cela ne doive les diviser.
Certaines familles sont adeptes du nudisme, d’autres couples s’adonnent à l’échangisme ou au sadomasochisme.
D’autres encore préfèrent faire vœu de chasteté jusqu’au jour de leur mariage, soit par tradition, soit par conviction religieuse.
Difficile dans ce contexte de définir une norme applicable dans l’espace public, de légiférer sur ce qui ne devrait pas être vu, entendu ou fait sous peine de heurter la sensibilité d’autrui.
C’est le travail notamment d’organismes comme le CSA, qui doivent émettre des règles pour séparer ce qui est choquant de ce qui ne l’est pas.
L’État aussi doit parfois trancher, afin de garantir l’ordre public et pour éviter que les mœurs d’une personne ne soient un obstacle à celles des autres.
Mais dans le monde d’aujourd’hui, réfléchir sur les bonnes ou les mauvaises mœurs ne revient plus à se demander ce qu’il est bon ou mauvais de faire, mais plutôt de créer des règles qui permettent à chacun de vivre différemment sans interférer sur la liberté de son voisin.
La liberté est plus importante que le conformisme
Prenons à titre d’exemple une question qui fait souvent polémique en Europe, celle du port du voile, le débat n’est pas de savoir s’il est condamnable de cacher ses cheveux, mais d’évaluer le degré de liberté qu’a la femme qui porte un foulard.
Il est tout autant navrant d’obliger une personne à cacher une partie de son corps que de l’obliger à la montrer.
Forcer une personne à rester nue, à subir une excision, à avorter, à avoir un rapport sexuel non consenti est fortement condamnable.
Dans une société libre, la question des mœurs ne doit donc pas se polariser sur un listing de ce qui est autorisé ou non de faire, mais plutôt sur un droit des personnes à disposer librement de leur corps.
Vers une politisation des mœurs ?
Définir de bonnes et de mauvaises mœurs a toujours été essentiel, à la fois pour organiser la vie en société et pour protéger la population.
Les restrictions alimentaires liées à certaines religions ont souvent pour origine des impératifs sanitaires.
La question des mœurs devient en revanche plus ambigüe quand les interdits émanent de personnes de pouvoir.
Dernièrement, le succès de la « Manif pour tous » qui s’opposait au mariage homosexuel, les ravages de l’interprétation rigoriste et manichéenne de la religion par l’État islamique, ou encore les débats enflammés sur le port du voile à l’université nous ont montré les divisions et les replis identitaires que pouvait provoquer la volonté d’unifier une nation autour d’une morale commune.
La question des mœurs est souvent utilisée comme un prétexte politique ou religieux, pour tenter de rassembler ou diviser des personnes sous des bannières identitaires, laissant entendre que tel groupe de personnes doit ou ne doit pas avoir tel comportement.
Les mœurs n’ont rien à voir avec l’identité. Elles ont à voir avec le vivre ensemble.
Vouloir rassembler des foules derrière des mœurs est dangereux.
Vouloir réduire un groupe d’individus aux mœurs qu’ils ont en commun est purement idéologique.
Deux personnes ne partageront pas forcément les mêmes opinions, les mêmes envies, la même vision du futur, même si elles ont la même tenue vestimentaire, le même régime alimentaire ou respectent les mêmes lois.
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