Le bien-être, qui pourrait être contre ?
Pourtant, bien plus qu’un objectif partagé par tous, il est un réel enjeu économique et marketing.
Au-delà de la multiplication des coachs, censés nous aider à nous sentir mieux dans notre peau contre rétribution, les géants de l’Internet, de l’agroalimentaire et de l’industrie pharmaceutique rivalisent d’ingéniosité pour profiter de notre besoin de bien-être (et de notre peur du mal-être).
Certaines entreprises embauchent même des responsables du bien-être.
Même les compagnies d’assurance se sont emparées de cet engouement et tentent d’en tirer profit.
Mais au fond, le bien-être, ce n’est pas seulement prendre de bonnes habitudes.
Le bien-être n’est pas une norme. Il se ressent…
Le bien-être, c’est avant tout se faire plaisir
Manger cinq fruits et légumes par jour est bon pour votre santé, votre moral et votre tonus. C’est indéniable.
Mais manger une pizza ou prendre un apéro entre amis de temps à autre contribue grandement à votre bonheur.
Ne confondez pas bien-être et bonheur.
Nous ne sommes pas des machines qu’il faudrait bien régler et bien huiler pour les faire fonctionner correctement.
Nous sommes dotés de sentiments, de volonté, d’aspirations.
Chacun de nous est unique et a sa propre façon de se faire plaisir.
À trop être obsédé par le bien-être, n’en venez pas à vous priver des petits délices du quotidien qui rendent notre vie agréable.
Attention à la dictature de la mesure
Le bien-être est une notion totalement subjective.
Il ne se mesure pas. Il se ressent.
Bien entendu, faire du sport et manger de manière équilibrée aide à se sentir mieux.
Mais oubliez les nombres d’or censés vous apporter bien-être et sérénité.
Non, vous n’avez pas à vous sentir angoissé si à la fin de la journée votre podomètre indique que vous avez fait moins de 10.000 pas, si vous avez pris 500 grammes depuis hier ou si vous avez fait moins de longueurs que la semaine dernière à la piscine.
L’essentiel est que vous écoutiez votre corps plutôt que votre balance ou votre chronomètre.
Lui seul sait ce dont il a besoin.
Lorsque la fatigue vous paralyse, reposez-vous.
Lorsque votre cerveau bout, que votre attention faiblit et que vos yeux vous font mal, éteignez votre ordinateur, partez faire une balade en forêt et promenez-vous jusqu’à ce que vous soyez bien oxygéné.
Pas besoin de calculer vos pas, votre pouls ou votre vitesse.
Prendre le temps d’aller à son rythme, n’est-ce pas ça aussi le bien-être ?
Gare au bien-être 2.0
Cette obsession de la mesure, couplée à celle de peaufiner son image sur les réseaux sociaux a lancé une multitude de tendances.
Certaines modes consistant à faire des selfies avec une feuille de papier A4 devant son ventre sans qu’un bourrelet n’en dépasse ou de prouver grâce à Photoshop que ses cuisses ne se touchent pas tiennent plus de l’incitation au trouble anorexique qu’à une question de bien-être.
Mais plus sournoisement, en faisant des « check-in » à la salle de sport, en utilisant des applications permettant à tous nos contacts de suivre notre jogging mètre par mètre ou en postant un selfie à chaque fois que l’on se fait masser les pieds, il est devenu pour certains extrêmement important de prouver au monde entier qu’ils mènent un mode de vie sain.
Montrer que l’on fait attention à son bien-être devient parfois plus important que le fait même de prendre soin de son corps.
Pourtant le bien-être est un ressenti, quelque chose d’intime, qui ne peut pas réellement se partager.
Montrer à ses collègues restés au bureau que l’on trempe ses pieds dans une piscine ou que l’on a couru un semi-marathon renforce peut-être notre égo, mais n’influe pas sur notre bien-être.
N’ayez pas honte de vous sentir mal
En réalité, le problème n’est pas tellement le fait que tout le monde veuille se sentir bien.
Le danger vient surtout du fait qu’en exposant de manière intempestive un supposé bien-être hyper standardisé (et parfois factice) à la face du monde, nous créons peu à peu une norme, une obligation morale.
Le risque est de tomber dans la culpabilité, dans la dépréciation de soi en se comparant à l’image que nous renvoient nos amis ou assimilés.
En réalité, le phénomène n’est pas nouveau.
Les publicitaires et professionnels du marketing ont toujours essayé de normaliser le bien-être, utilisant des acteurs ou des mannequins auxquels les clients devaient s’identifier et vouloir ressembler.
Les réseaux sociaux ont eu tendance à amplifier ce phénomène, en faisant de notre voisin, de notre collègue ou de notre beau frère un porte-étendard de cette idée consumériste du bien-être à laquelle personne ne colle vraiment.
Notre culpabilité fait vendre.
À nous cependant de nous accepter tels que nous sommes, de ne pas avoir honte de prendre de la bedaine, de déprimer une fois l’hiver venu ou d’arriver au travail avec des cernes le matin.
Selon Carl Cederström, coauteur de l’ouvrage « le syndrome du bien-être », notre recherche du bien-être est devenue un « impératif moral ».
Il ne s’agirait selon lui plus de se faire du bien, de penser aux bénéfices que l’on pourrait tirer d’une vie plus saine, mais d’une obligation qui nous est donnée sous la pression d’une société toujours plus exigeante.
Le bien-être devient un paradigme, presque une dictature.
Quand les assurances nous forcent au bien-être
Et l’un des arguments clés des défenseurs de cette dictature du bien-être est souvent économique.
Les campagnes anti-tabac ou de lutte contre l’obésité menées par les différents gouvernements sont bien souvent motivées (pas uniquement bien entendu) par le coût que représentent les maladies cardiovasculaires ou autres réjouissances à la société, à la sécurité sociale, aux finances publiques.
Il n’y a pas de mal me direz-vous à vouloir influencer les comportements des citoyens pour qu’ils soient en meilleure santé.
C’est d’ailleurs l’une des fonctions de l’état que de s’assurer de la bonne santé de ses ressortissants, en veillant au respect de normes d’hygiène, en tentant de réduire la pollution ou en lançant des campagnes de vaccination.
Là où l’argument économique devient discutable, c’est quand les industries ou entreprises privées entrent dans le débat.
Cette dictature du bien-être est bien entendu du pain béni pour l’industrie pharmaceutique, prête à vendre des millions de médicaments fantaisistes spécialement conçus pour donner l’illusion d’un bien-être idéalisé.
Mais ce secteur n’est pas le seul concerné.
Plus récemment, les compagnies d’assurance se sont emparées de cette tendance.
Certaines proposent déjà des prix réduits pour les personnes qui feraient plus d’activité physique que les autres et pourraient le prouver en étant volontairement pistées par des objets connectés.
Lorsque notre alimentation ou les efforts physiques que nous fournissons sont motivés par des récompenses ou punitions d’ordre économique, peut-on encore parler de bien-être ?
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