« La mort, ce merveilleux instant où le lâcher-prise devient spontané ».
Michel Random, l’écrivain et photographe contemporain décédé en 2008, décrit en une phrase toute la difficulté à laquelle l’individu fait face quand il s’agit de mettre de la distance avec certains de ses ressentis et de contrôler ses émotions.
En tant qu’entités conscientes à la psychologie développée, la rationalité de nos choix est nécessairement influencée par notre construction personnelle et les sentiments qui gouvernent notre état d’esprit.
Preuve en est, il est toujours perçu comme antinomique de lâcher prise au moment d’affronter des situations traumatisantes.
Lors de leur apparition, échecs et remises en cause sont capables de tout dévaster sur leur passage, laissant à l’intérieur de nous les ruines d’une confiance en soi largement érodée.
Cette vague de ressentis négatifs est un poids, un obstacle à la stabilité.
Impossible de vivre sereinement si nous laissons chaque mésaventure rencontrée nous faire dégringoler de l’échelle de l’évolution personnelle.
Efforts et apprentissage émanant de l’expérience ne peuvent être balayés d’un revers de la main si facilement.
Nous nous devons d’apprendre à faire preuve d’objectivité, à nous immuniser contre des phénomènes destructeurs comme la tristesse ou la dépression en nous laissant une chance d’assumer nos erreurs et de combler nos éventuelles lacunes.
Le lâcher-prise, c’est cette compréhension, ce réflexe intellectuel qui nous permet justement de confronter nos choix et les conséquences de nos actes, sans laisser un élément du passé contrôler notre être, nous enfermer dans une logique d’apitoiement et de perte de motivation.
Ne vous y méprenez pas, si le principe semble aisé, il n’est pas simple à adopter naturellement.
Comme le disait Santoka Taneda, poète japonais du 20ème siècle, « rien n’est plus facile à dire et difficile à faire que de lâcher prise ».
Voilà qui ne doit pas cependant nous empêcher de lancer la réflexion dans le but d’identifier les solutions envisageables pour favoriser le lâcher-prise.
1. Adopter le lâcher-prise : les risques de l’immédiateté
Si nous avons récemment parlé de l’importance de vivre dans l’instant présent, nous avons aussi mis en valeur la nécessité de cloisonner notre conscience, de ne pas laisser les ressentis les plus puissants nous pousser à la nostalgie.
En réalité, ces deux thèmes vont main dans la main.
Notre capacité à nous départir de l’extrémisme de certains de nos sentiments est une clé pour éviter l’effritement systématique de notre estime personnelle.
Lorsqu’un événement malheureux prend place, notre jugement est souvent obscurci par le manque de recul et d’éléments matériels nous permettant d’adapter notre comportement et notre système de pensée de façon pertinente.
Une disposition psychologique néfaste n’est jamais aussi forte qu’au moment même de sa matérialisation.
Il n’y a donc rien de surprenant à être dans l’incapacité de lâcher prise immédiatement après les premiers signes de son expression.
L’individu, pour lâcher prise, doit en réalité apprendre à se désolidariser de certaines de ses émotions, qu’il aura déjà préalablement identifiées comme dangereuses pour son bien-être psychologique (d’où l’importance d’apprendre à se connaître du mieux que l’on peut).
Pour ce faire, il faut reconnaître ce que nous percevons comme des avantages à laisser nos peurs prendre le dessus.
Processus difficile s’il en est, l’acceptation de nos faiblesses engendre toujours une amélioration de notre système de défense à travers la prise de conscience.
Absence de lâcher-prise et conflit idéologique
Le fait d’être dans la réaction rapide plutôt que dans la réflexion objective pousse l’individu à camper sur ses positions.
Impulsivité, agressivité, irritabilité sont alors les preuves d’un manque d’assise du raisonnement et d’un entêtement justifié par la réalité des sentiments qui nous traversent.
Le problème, c’est alors la notion arbitraire de notre analyse.
Sans distance vis-à-vis du conflit interne qui nous anime, impossible de trouver une solution cohérente, de reconnaître notre implication pour ce qu’elle est dans la situation.
Pour résumer, ignorer le lâcher-prise nous « autorise » à exprimer rancœur et négativité, en nous cachant derrière l’idée de réflexe naturel, elle-même supportée par des dispositions idéologiques comme la justice ou la vengeance, par exemple.
Absence de lâcher-prise et mentalité de victime
Notre tendance à laisser nos sentiments nous envahir sans contrôle ou emprise peut nous amener à nous complaire dans une logique d’apitoiement personnel.
On justifie alors l’inaction et l’isolement, fussent-ils psychologiques, de par l’ampleur de l’obstacle rencontré et son légitime impact sur notre bien-être.
Qu’on en soit conscient ou pas, il est bien plus facile de se morfondre sur son sort que de véritablement lâcher prise pour chercher comment rebondir au plus vite.
Voilà qui procure d’ailleurs une « excuse » pour attirer l’attention et surtout l’empathie d’autrui, qui elles aussi, concourent à nous faire oublier que nous devons rester maîtres de nos émotions.
2. Le lâcher-prise comme ouverture de notre zone de confort
Nous aimons tous à nous rattacher à des éléments, des situations ou des dispositions psychologiques connus.
Si la routine peut limiter par nature le nombre de nos expériences enrichissantes, elle procure un sentiment de sécurité.
À ce titre, le lâcher-prise n’est alors pas l’option qui s’impose comme la moins dangereuse.
Il entraîne une acceptation de ce qui est, d’un état de fait, tout en remettant en cause la dimension psychologique néfaste qui l’accompagne.
Il y a donc là une forme d’ouverture sur l’inconnu, sur l’inhabituel.
Que va-t-il se passer si nous décidons de minimiser la portée et la gravité de ce qui nous arrive ?
Est-on capable de parcelliser notre pensée, d’effectivement admettre que si nous rencontrons des difficultés dans un domaine de notre vie, cela ne doit pas nécessairement détruire toute volonté d’aller de l’avant ?
Peut-on vraiment s’appuyer sur la diversité des sources de bien-être qui nous entourent pour nous libérer de notre passé et nous renforcer individuellement ?
Certainement, mais le pas à faire reste important.
La prise de conscience doit être véritable et passe sans conteste par une introspection véritable.
Nous devons faire preuve de courage et admettre que ce qui ne peut être changé doit être accepté.
Nous n’avons d’emprise que sur notre avenir, alors autant se tourner vers lui.
Non pas qu’il ne faille pas tirer les leçons de notre histoire, mais elle ne doit pas nous retenir, quelles que soient ses répercussions aujourd’hui.
Nous avons tout intérêt à faire preuve de tolérance envers nous même et à nous octroyer le droit d’élargir notre zone de confort, petit à petit, en relativisant les souvenirs et regrets qui nous hantent.
Nous n’avons qu’une seule vie, il serait dommage de la passer à regarder derrière plutôt que devant soi, non ?
Pour franchir le pas, il convient en réalité non pas de se focaliser sur la douleur, mais bien plus sur son effet sur nous et nos interactions.
Se cantonner à vivre en pensant à ce qui nous manque au lieu de ce que nous avons joue nécessairement un rôle sur le reste de notre environnement.
Le lâcher-prise, c’est la reconnaissance de ce phénomène, la compréhension du fait que nos interlocuteurs n’ont pas à souffrir de notre tendance à être sentimental.
3. Le lâcher-prise : l’acceptation comme délivrance
Au fur et à mesure de la rédaction, on comprend que plus on se concentre sur les maux pouvant nous troubler, plus on les autorise à durer dans le temps.
La première étape pour lâcher-prise, c’est donc l’acceptation de notre situation.
En vérité, quand nous rencontrons doutes et situations traumatisantes, nous sommes face à deux choix concrets : laisser ladite expérience nous détruire à petit feu en lui refusant un droit d’expression entière ou lui faire face et encaisser le choc de plein fouet.
Bien évidemment, cette dernière méthode nous laissera une cicatrice, une empreinte qui restera à jamais gravée en nous.
Mais ce constant rappel servira aussi d’élément motivant, prouvant notre capacité à tirer les enseignements qui s’imposent au cours de notre existence.
Le lâcher-prise est en ce sens une capacité à pardonner, à passer à autre chose, sans avoir à oublier ce que l’on a dû affronter.
Lâcher prise, c’est limiter l’impact dans le temps d’un contexte difficile, d’un état fait de peurs et de malaise.
Pourquoi volontairement les laisser empoisonner notre quotidien ?
C’est véritablement une question que nous devons avoir à l’esprit au moment où certains de nos ressentis semblent nous éloigner de la joie de vivre.
Ne pas être heureux à un instant T n’est pas et ne sera jamais une fatalité.
Cette maxime est porteuse d’espoir et indiscutable, c’est elle qui nous pousse à entrevoir les premiers rayons de soleil après une grosse averse.
Lâcher prise, c’est donc tout simplement s’améliorer sereinement, en refusant de se laisser piétiner par le poids de nos erreurs, en comprenant que nous devons nous concentrer sur les facteurs que nous pouvons influencer pour recréer les conditions de l’apparition du bonheur.
Voilà qui demandera sans doute de longues heures de réflexion, mais qui ne peut qu’être bénéfique !
Et vous ? Comment concevez-vous le lâcher-prise ? Tout retour est apprécié !
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