L’individualisme est-il bon ou mauvais ?

L’individualisme est souvent associé à la solitude, à la pauvreté des échanges entre les personnes.

Nous vivons dans un monde dans lequel l’entraide s’effrite parfois, au profit de l’individu.

Cette évolution peut être perçue comme égoïste, mais cela n’est pas toujours justifié.

En mettant l’individu au centre de nos préoccupations, nous avons également entrainé un autre bouleversement : celui des droits des individus, de leur émancipation, de la reconnaissance de leurs idées, de leurs talents et de leurs aspirations, de la possibilité offerte à chacun d’être soi-même et non plus simplement le maillon d’une chaine immuable.

L’individualisme qui touche (entre autres) nos sociétés occidentales ne doit donc pas être vu seulement de manière négative.

Il doit être mis en perspective.

Il a ses raisons d’être, ses avantages et ses inconvénients.

L’individualisme est un rempart contre le communautarisme

L’individualisme, c’est avant tout le fait de considérer la personne comme entité à part entière et non plus comme membre d’une communauté.

Cette manière d’appréhender le monde nous permet de ne plus nous considérer uniquement comme membre d’un groupe, celui des hommes ou des femmes, celui qui est défini par notre orientation sexuelle, notre nom de famille, notre religion ou notre couleur de peau.

Notre individualisme a été fondateur du droit des femmes à travailler, à conduire, à voter, à s’émanciper, à être considérées comme des individus et pas seulement des membres d’une famille, des mères, des épouses ou des maitresses de maison.

On parle trop souvent de ces avancées en matière de « droits des femmes » ou de « luttes féministes ».

En réalité, il ne s’agit pas d’une lutte entre hommes et femmes dans lequel un groupe gagnerait ou perdrait du terrain par rapport à l’autre.

Il s’agit surtout de reconnaître des droits à l’individu plutôt qu’au représentant d’un genre.

Si l’on donne aux femmes le droit de conduire ou de voter au même titre que les hommes, c’est avant tout parce que l’on considère hommes et femmes non pas comme appartenant à des groupes différents, mais comme appartenant à un tout, celui de l’espèce humaine dans lequel tous les individus se valent.

L’individualisme est à la base de l’universalisme

Plus largement, notre individualisme est né et s’est nourri d’une construction louable, celle des droits de l’Homme, qui consiste à considérer l’individu avant la communauté, de donner des droits à des personnes et non à des groupes, qu’ils soient religieux, nationaux, idéologiques ou familiaux.

En effet, l’individualisme n’est pas forcément une posture égoïste.

En considérant et en appréciant les individus en dehors de leur appartenance à un groupe, nous donnons les mêmes droits, les mêmes chances et portons la même considération à chaque personne.

L’individualisme sous-tend une autre notion : l’universalisme.

Considérer que tous les individus sur Terre se valent revient à vouloir accorder les mêmes droits à tous, à agir au nom de l’humanité.

C’est ce postulat qui est à la base de nombreux mouvements humanitaires (Médecins Sans Frontières par exemple), de défense des droits (Reporters Sans Frontières, Amnesty International) ou politiques (notamment via les Nations-Unies).

L’individualisme à l’épreuve des nationalistes

Mais cet universalisme de nos droits et de nos aspirations est mis en danger par les nationalistes, toujours plus puissants aux quatre coins du monde, qui par souci de lutter contre l’individualisme créent des groupes, des clans, parfois artificiellement en s’inspirant de bases historiques, génétiques, sociales, religieuses.

Vouloir effacer l’individu au profit de la nation, c’est se définir non plus comme une personne, mais comme membre d’un groupe de semblables, et surtout comme étant différent, voir parfois concurrent de ceux qui ne font pas partie de la nation.

Individualisme et société consumériste

L’individualisme a gagné le monde entier.

La société de consommation dans laquelle nous avons vécu dans la seconde partie du XXème siècle était basée sur une vision individualiste de la possession et de la consommation.

De la voiture au téléphone en passant par le poste de travail, tout est peu à peu devenu individuel, quitte à prendre des risques écologiques et à creuser un peu plus les inégalités.

En ce qui concerne le transport par exemple, certains pays ont préféré favoriser l’accession par tous à la voiture individuelle plutôt que de développer des réseaux de transport collectif performants.

Ces dernières années, nous assistons néanmoins à un revirement de cette situation.

Par souci économique ou par idéologie, beaucoup reviennent à une société de partage dans laquelle le bien commun prend de plus en plus d’importance.

L’ubérisation de l’économie, la tendance à louer et échanger plutôt qu’à acheter ou le succès des habitats partagés nous laissent penser que le modèle de société consumériste individualiste s’effrite peu à peu.

L’individualisme n’empêche pas de créer un modèle social

L’important n’est pas de savoir si l’on vit dans une société nationaliste, communautariste ou individualiste, mais plutôt de savoir si cette dernière est redistributrice ou non.

Dans une société individualiste, nous avons tendance à déléguer à l’État ce qui était auparavant le rôle de la famille, des amis, de la communauté, de la paroisse…

Il s’agit par exemple de prendre en charge la santé, les personnes trop âgées pour travailler (retraites), l’éducation des enfants et la formation des adultes ou encore l’aide aux plus démunis.

Confier à un l’État ces tâches de solidarité, les faire sortir des communautés, permet toutefois une meilleure redistribution, une plus grande égalité des individus.

L’individualisme est-il un vice ou une vertu ?

Nous sommes tous des individus, membres d’une famille, de groupes, d’une ou de plusieurs nations.

Il n’est pas question de le nier, juste de trouver un juste milieu, de ne pas oublier les gens qui nous entourent et vivre égoïstement sous prétexte que notre épanouissement personnel doit passer avant tout, mais de ne pas non plus s’oublier, s’empêcher d’exister, renoncer à penser par soi-même pour ne jouer qu’un rôle social prédéfini et normé.

Il existe des sociétés plus individualistes, d’autres plus claniques ou qui ont un fonctionnement communautaire ou familial.

Il n’y a pas de modèle de société idéal.

L’essentiel est surtout de vivre dans une société harmonieuse et dans laquelle chacun peut trouver sa place, que cela passe par le rôle que l’on joue dans sa famille ou sa communauté, par l’expression et la revendication de son originalité ou par l’accomplissement personnel et individuel, dans le milieu professionnel par exemple.

Contrairement à ce que l’on peut penser, l’individualisme n’empêche pas la solidarité.

Considérer l’individu comme supérieur à toute autre considération est au contraire souvent un moteur pour venir en aide à son prochain.


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