Bonnes manières : une affaire de culture ?

La politesse et les bonnes manières ne sont pas des comportements naturels chez l’être humain.

Elles sont issues d’un apprentissage, d’un mimétisme, d’un conditionnement.

Elles sont propres à notre milieu social, à notre culture et même à notre langue.

Ce qui est respectueux et distingué dans une culture donnée peut être vu comme une insulte ailleurs.

Les bonnes manières ne sont donc pas un code universel.

Penser que quelqu’un se conduit bien ou mal est donc une considération purement ethnocentrée, c’est-à-dire qu’elle fait référence à une culture donnée.

Les bonnes manières, à quoi ça sert ?

Mais dire que les bonnes manières sont une donnée culturelle ne revient pas à les discréditer ou à en faire de simples traditions folkloriques.

Elles ont un réel rôle social dans toutes les cultures.

Elles permettent d’organiser le « vivre ensemble », de donner des codes par lesquels chacun peut montrer ses intentions ou ses sentiments dans un cadre compris de tous.

Se montrer impoli de manière ponctuelle est une manière de passer un message.

Encore faut-il en être conscient pour que ce message ait une valeur.

Les bonnes manières sont également un moyen de donner du corps aux rapports hiérarchiques dans une société, au travail, à l’école ou au sein d’une famille.

C’est une manière indirecte de revendiquer ou d’accepter le pouvoir d’un professeur, d’un parent ou d’un chef.

Enfin, les bonnes manières peuvent être un moyen de se distinguer des autres, de montrer son appartenance à une certaine classe sociale ou au contraire de feindre un statut social usurpé.

La cour des rois de France était par exemple régie par des codes et usages très rigoureux qui lui permettaient de se distinguer du peuple.

Le poids des gestes n’est pas le même dans toutes les cultures

S’il est une chose qui est dépendante de la culture, c’est bien l’importance accordée aux gestes du quotidien.

Nous avons tous en tête le stéréotype de l’italien ne pouvant s’empêcher de ponctuer chacun de ses mots de grands mouvements de mains.

Chaque culture a ses règles et ses coutumes concernant l’expression du corps.

En Asie très souvent, le langage du corps est très important.

Certaines parties du corps (le plus fréquemment les pieds) sont impures tandis que d’autres sont sacrées.

Ainsi, alors qu’il est impoli de montrer une personne du doigt en occident, le fait de tourner ses pieds vers quelqu’un, même lorsque l’on est assis, est offensant en Thaïlande.

La proximité peut être une très mauvaise manière

De la même manière que les gestes perçus comme amicaux ou non selon les cultures, la proximité entre les personnes est très différente d’un pays à l’autre.

Donner une accolade à quelqu’un peut parfois être vu comme normal ou même chaleureux dans certaines cultures, notamment en Amérique du Nord.

Ce même geste peut être perçu comme agressif et intrusif ailleurs.

Dans de nombreux pays asiatiques et scandinaves, il n’est pas poli d’empiéter sur l’espace vital d’une autre personne.

Au Japon par exemple, il est d’usage de faire une révérence, tandis que les Indiens ont l’habitude tout comme les Thaïlandais de joindre leurs mains pour saluer leur ami à distance.

La bise à la française n’est pas toujours vue comme une politesse !

Le repas : un laboratoire de bonnes manières

Le repas est tout autour du monde l’occasion d’une multitude de rites.

Il est un moment de prédilection pour analyser les mauvaises et les bonnes manières dans une culture.

En Chine par exemple, il convient de faire du bruit en mangeant pour montrer que l’on apprécie la nourriture.

Dans de nombreux pays d’Asie et du Maghreb, roter à la fin d’un repas n’est pas une impolitesse.

Cela signifie au contraire que vous avez bien mangé.

En France, il est impoli de commencer à manger si tout le monde n’est pas servi.

Manger avec des personnes d’une autre culture est très instructif.

Là encore, il est impossible de juger les comportements d’une personne sans une lecture culturelle.

Les bonnes manières sont ancrées dans le langage

La langue est le socle d’une culture.

C’est bien souvent dans les formes de langage que passent les bonnes manières et la politesse.

En français par exemple, il est de coutume de formuler ses demandes au conditionnel pour les rendre plus courtoises.

Ainsi on dira que l’on « voudrait » du pain ou on demandera si on « pourrait » sortir de table.

En langue thaïe, il n’existe pas de mot pour dire « s’il vous plait » (sauf une forme très formelle à l’impératif).

Les Thaïlandais utilisent néanmoins un mot de ponctuation (« khrap » pour les hommes ou « kha » pour les femmes) qui doit être prononcé en fin de phrase pour ponctuer celle-ci et la rendre plus polie.

Il est impossible de traduire ce mot dans une autre langue.

Il s’agit donc là d’une politesse dont on peut faire usage uniquement dans un cadre linguistique donné.

La politesse n’a donc pas des codes universels. Il y a autant de manières d’être poli qu’il y a de langues dans le monde.

Apprendre une langue, c’est aussi apprendre une manière d’interagir avec les autres.

Les bonnes manières ont souvent une histoire

S’il n’est pas bien vu de cracher par terre en France ou dans d’autres pays occidentaux, ce n’est pas parce que notre culture est plus raffinée.

C’est en fait au XIXe siècle que le fait de cracher a commencé à être mal vu dans une vision purement médicale, puisqu’on accusait à l’époque les crachats de propager la tuberculose.

Plus étonnant, le fait de laisser une femme entrer avant un homme dans une pièce ne tenait pas à l’origine de la galanterie.

La coutume date d’Henri IV.

À l’époque, les attentats et assassinats étaient monnaie courante et le fait de laisser passer madame devant était un moyen (certes un peu lâche) de s’assurer que les lieux étaient sûrs.

N’allez surtout pas croire que nos règles de bonne conduite sont issues d’un prétendu bon sens ou qu’elles soient venues naturellement.

La plupart des règles de politesse ou de « savoir vivre » sont apparues pour répondre à un problème ou pour qu’une culture s’adapte à son environnement.

Il est donc très mal venu de juger les comportements émanant de cultures différentes de la sienne.

Le plus important dans une interaction entre deux personnes de cultures différentes, ce n’est pas tellement de juger les actes, mais plutôt de se pencher sur les intentions bienveillantes ou non de chacun.


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